In memoriam : RUELLE et ses morts

Pour permettre une meilleure approche du sujet, ce chapitre commence dès le 17ème siècle, au lieu de se limiter aux 19ème et 20ème.

L’ensevelissement des morts est l’objet de cérémonies d’hommage dont le déroulement a varié selon les époques, selon la religion (ou son absence). Quant au lieu de sépulture, s’il dépendait d’abord de l’église, il a dû s’adapter à l’évolution de la législation notamment en matière de salubrité publique. Une place particulière est réservée aux soldats disparus au cours des guerres ; l’hommage aux morts et le souvenir du sacrifice se perpétuent par l’édification d’un monument, d’une stèle…

 

Ce chapitre ne recherche pas l'exhaustivité ; il met en lumière certains événements, certaines coutumes, certains éléments du patrimoine.

Testaments et cérémonies liées à la mort

          Sous l’Ancien Régime, époque où l’Église est omniprésente dans la vie quotidienne, il n’est pas concevable de partir pour l’éternité sans le secours de la religion, ni de reposer dans une terre qui ne soit pas consacrée. Les testaments dressés par les notaires, même s’ils ne concernent pas les plus pauvres, permettent de se faire une idée de l’état d’esprit dominant. La première partie de ces actes concerne le plus souvent la manifestation de la foi du testateur, à travers sa soumission à Dieu, la demande d’intercession des saints, les dons pour la célébration de messes. Viennent ensuite les dispositions pour la cérémonie et le lieu d’inhumation et enfin la partie concernant les biens et leur éventuelle répartition (les terres aux garçons, une dot aux filles).

 

Testament de Pierre Rigaud et de Marie Brissot

 28 avril 1637, Notaire : G Tallut, 2E.3417

 

Au nom du père et du fils et du saint esprit amen, nous Pierre Rigaud marchand et Marie Brissot, mari et femme, ladite femme autorisée de sondit mari et par elle l’autorisation acceptée par tant de besoin soit, demeurant au bourg de Rouelle étant âgés moi dit Rigaud de 59 ans et moi dite Brissot de 55 ans et étant à présent détenu au lit par grande infirmité de maladie de mon corps toutefois sains tous deux d’esprit et bon jugement, considérant que nous sommes tous mortels et que l’heure de la mort est incertaine et sur cette croyance désirant par la grâce de notre bon dieu, auparavant décéder pourvoir pour le salut de nos âmes et disposer des biens qu’il a plu au bon dieu nous prêter jusques à présent, avons voulu faire comme nous faisons par ces présentes notre testament et dernière volonté en la forme qui s’ensuit.

Premièrement nous recommandons nos âmes à dieu notre père et sauveur, à la benoîte glorieuse vierge Marie et à tous les saints et saintes du paradis, priant ce grand dieu nous pardonner nos fautes et péchés que nous avons faits, commis contre ses saints commandements et après nous avoir pardonné, recevoir nos âmes en son saint paradis et leur octroyer la félicité éternelle ; voulons et ordonnons lorsqu’il plaira à notre bon dieu faire son commandement de nous, nos corps être mis et inhumés dans l’église dudit Rouelle ès sépultures de nos aïeux, à la fabrique de laquelle église voulons être donnée pour chacun de nous la somme de 4 sols une fois payée seulement et aux jours de nos obits et enterrages être dit et célébré en ladite église pour chacun de nous pour le salut de nos âmes , le nombre de 4 messes, autres 4 messes à la quinzaine, autres 4 messes au bout de l’an et être donné aux pauvres de dieu  pour chacun de nous 3 boisseaux de bled méture convertis en pain, savoir un boisseau à l’enterrage, autant à la quinzaine et autant au bout de l’an. Et pour les obsèques et funérailles nous en remettons l’un à la discrétion de l’autre, nous confiant et promettant le faire au mieux de notre pouvoir le plus honorablement que faire se pourra selon notre condition et la faculté de nos moyens ; et pour le dernier mourant s’en remettant à Girard Rigaud sergent royal notre fils, nous assurant qu’il le fera au mieux de son pouvoir ayant parfaite confiance en lui… (suivent des dispositions concernant la succession).

 

Fabrique : groupe de personnes (les fabriqueurs ou fabriciens) chargées de la gestion et du fonctionnement de l’église (cierges, chaises, ornements…) du cimetière…Les deux syndics désignés annuellement pour l’administration de la paroisse (celles qui n’ont pas de maire et qui sont presque la généralité) remplissent la fonction de fabriqueur.

Obit : messe anniversaire de décès

Enterrage : obsèques

Méture : mélange de céréales

 

Testament de la dame du Maine Gagnaud

 5 juillet 1642, Notaire : Rouyer  2E.4964     

                          

Au nom du père, du fils, du Saint Esprit, amen, par devant le notaire royal héréditaire en Angoumois soussigné et en la présence des témoins ci-après nommés, a été présente et personnellement établie en droit Demoiselle Catherine Richard à présent femme de Louis de Hauteclair, écuyer et seigneur du Maine Gagnaud, demeurant au lieu noble du Maine Gagnaud, paroisse de Rouelle, étant gisante dans son lit, malade, m’a requis rédiger par écrit son testament et ordonnance de dernière volonté étant saine d’esprit et d’entendement ; considérant qu’il n’y a rien plus certain que la mort et plus incertain que l’heure d’icelle, ne voulant décéder de ce monde sans tester et ordonner et disposer par testament et ordonnance ses dernières volontés du bien qu’il a plu à Dieu me départir et donner, considérant l’amitié et l’union très étroites qui a été jusqu’ici entre Louis de Hauteclair, écuyer mon cher époux, je lui fais don par ce présent testament et par donation pour cause de mort de tous mes meubles et acquêts et tierce partie de mon patrimoine à perpétuité pour en jouir et disposer par lui tout ainsi que bon lui semblera et comme de sa propre chose ou l’usufruit de tous mes biens patrimoniaux au choix et option de mes héritiers, et pour ce qui est de mon corps , je veux que après que mon âme sera séparée d’icelui, qu’il soit inhumé dans l’église de Rouelle aux sépultures de mon dit mari et que à mon dit enterrement je sois assistée de tel nombre de prêtres qu’il sera avisé par l’exécuteur de mon présent testament ci-après nommé et qu’il soit donné aux pauvres pour prier Dieu pour le salut de mon âme, la somme de cinquante livres et en ce qui regarde les autres services je m’en remets de tout au choix de mon dit exécuteur lequel je nomme expressément Jehan de Lesmerie écuyer seigneur de La Tour archidiacre de l’église de Saint Pierre d’Angoulême, mon oncle…

 

La dame du Maine Gagnaud décéda le lendemain et fut inhumée devant le grand autel à l'endroit de l'épître. (Côté de l’épître : côté droit de l’autel en faisant face à l’autel et au retable ; l'autre côté est celui de l'évangile).

 

Testament de Philippe Bois

13 août 1691, Notaire : Gauvry,  2E.4297

 

In nomine patris et filii et spiritus sancti amen ; je, Philippe Bois sergent royal soussigné demeurant au bourg de Rouelle étant en mon lit malade toutefois sain d’esprit et entendement, considérant qu’il n’y a rien de si certain que la mort ni si incertain que l’heure d’icelle et ne souhaitant partir de ce misérable monde sans avoir recommandé mon âme à Dieu et le prie que dans le temps qui lui plaira la séparer de mon corps de la vouloir colloquer dans son bon paradis au royaume des bienheureux, je prie aussi la bienheureuse vierge Marie, vaisseau de notre rédemption, de vouloir intercéder pour moi  et que quand il aura plu à Dieu de séparer mon âme de mon corps, que mon corps soit enterré dans l’église dudit Rouelle dans les sépultures de mes ancêtres et que je sois servi selon les facultés qu’il a plu à Dieu me donner, m’en remettant à la bonne volonté et prudence de Marguerite Labé ma femme à laquelle je donne et lègue par mon présent testament, la jouissance de tous mes meubles, acquêts et du tiers de mon propre bien ancien et patrimonial pendant sa vie et ce pour l’amitié que j’ai pour elle, les bons et agréables services que j’ai reçus d‘elle et que j’espère recevoir à l’avenir de la preuve desquels je l’en relève dès à présent à la charge qu’elle fera dire 12 messes annuellement pendant sa vie et que après son décès mes héritiers seront obligés d’en faire dire 6 aussi annuellement les jours marqués ci-après, savoir le jour de St Jacques et St Philippe, une autre le jour de St Jacques et St Christophe, une le jour de Ste Catherine, une autre le jour de St Michel, une le jour de St Antoine, une autre le jour de St Jean Baptiste et les autres à la commodité des personnes qui sont obligées les faire dire et les jours que l’on pourra, étant ma dernière volonté…

 

Philippe Bois a été inhumé dans l’église le 19 novembre 1700.

 

          La soumission à Dieu, la demande d’intercession de la Vierge et des saints, la célébration de messes sont certes des manifestations de foi et d’humilité, mais pas toujours désintéressées : c’est un moyen de vouloir complaire à la divinité pour assurer son salut, tout comme la pratique de l’aumône qui se traduit par le don aux pauvres, juste avant de mourir. Et le jour du jugement dernier étant aussi incertain que l’heure de la mort, il est préférable de faire dire des messes le plus longtemps possible, voire perpétuellement si on en a les moyens. Ainsi le 15 janvier 1726, Jean de La Charlonie, écuyer, seigneur du Maine Gagnaud et Anne Méturas, son épouse, cèdent-ils à Cazauvière, curé de Ruelle, une rente seconde [1], foncière, annuelle et perpétuelle de 3 livres, assignée sur un essac [2] de la Touvre (acquis par Françoise Gros et son mari en 1676), à condition que le curé et ses successeurs disent annuellement et perpétuellement trois messes basses [3] : une le lendemain  de St Jean Baptiste, une le lendemain de Notre-Dame d'août, une le lendemain de St Joseph. (AD G 928-31, fondation de 3 messes basses par Jean de La Charlonie, écuyer seigneur du Maine Gagnaud et y demeurant).

 

[1] La rente seconde est une rente non seigneuriale ; elle correspond à l’arrentement d’un bien foncier entre particuliers. L’acquéreur paie la rente (seconde) à l’ancien propriétaire (mais aussi la rente seigneuriale au détenteur du fief dont dépend le bien).

[2] Essac : dispositif de pêche, construit dans le lit de la Touvre, constitué de deux murs formant un V ouvert vers l'amont et terminé vers l'aval par un passage étroit muni d'une nasse pour piéger le poisson.

[3] Messe basse : messe dont aucune partie n'est chantée par opposition à la grand-messe.

 

Si le salut éternel tient au respect des préceptes religieux tout au long de l’existence, il dépend aussi, dans les derniers instants, de l’accomplissement de rites spécifiques : confession, communion, extrême onction… Ainsi à la fin des actes de sépulture, le curé (ou son vicaire) précise que le mourant a « reçu tous les sacrements nécessaires au salut » (même s’il a omis de préciser le prénom ou le nom de la personne concernée). Mais il lui arrive aussi d’indiquer que le paroissien n’a pas pu communier en raison d’un catarrhe, de vomissements ou de suffocation.

Le curé peut refuser l’enterrement religieux en raison de l’exercice de certaines professions, si la personne qui a mené une vie dissolue ne s’est pas confessée ou n’a pas fait pénitence, si elle s’est suicidée, si elle est atteinte d’un mal qui peut être considéré comme diabolique : en 1640, une paroissienne qui « a été précipitée en la tombe par la violence de son mal d’hypocondrie ou frénésie », a été enterrée dans le cimetière, sans aucune cérémonie, ni son de cloche. (La condamnation au bûcher et l’exécution d’Urbain Grandier dans l’affaire des possédés de Loudun date de 1634).

         L’éclat de la cérémonie, révélé par le nombre d’ecclésiastiques participant à l’office religieux, dépend de la position sociale du mort : ainsi, aux obsèques de la Dame du Maine Gagnaud, en 1642, assistaient 8 prêtres séculiers, 4 cordeliers, 2 jacobins. À l’enterrement de Jean François Birot, seigneur du fief de Ruelle, en 1768 étaient présents 5 prêtres séculiers (les curés de Magnac, Mornac, Ruelle, Soyaux et Touvre) ; même nombre en 1790 pour Claude Trémeau seigneur de Fissac. En 1774, pour Louis Baynaud, fournisseur d’artillerie à la Forge royale [1], le nombre s’élève à 7. Il est évident que pour un pauvre, le vicaire suffit amplement. La classe sociale se marque aussi par le décorum : des tentures plus ou moins nombreuses dans l’église voire encadrant l’entrée de l’édifice, un drap mortuaire plus ou moins élimé pour recouvrir le cercueil et le brancard, une décoration exubérante ou non du corbillard (véhicule hippomobile ou plus tard fourgon automobile). En 1946, dans le contrat des Pompes funèbres avec la commune, apparaissent 5 classes d’enterrement (la cinquième étant le service minimum).

 

[1] La forge faisait l’objet d’une soumission à un entrepreneur civil, le fournisseur d’artillerie, dont relevaient tous les aspects financiers et commerciaux (approvisionnement, répartition des tâches, recrutement du personnel, exécution du marché passé avec la Marine…). C’était le personnage le plus important de la forge jusqu’en 1804, l’officier envoyé par la Marine n’ayant qu’un rôle d’inspection concernant les aspects techniques et militaires.

 

Si les cérémonies religieuses, la coutume des messes anniversaires se perpétuent au 18ème et au 19ème, le 20ème voit se raréfier les messes pour le repos de l’âme du défunt, se multiplier les services religieux conduits par des laïques ainsi que les enterrements civils, notamment dans les villes. Cette évolution accompagne la déchristianisation de la société. Néanmoins les obsèques peuvent donner lieu à des cérémonies (religieuses ou civiles) regroupant un grand nombre de participants lorsqu’il s’agit d’une personnalité socialement reconnue, d’une personne unanimement appréciée ou d’un drame comme la catastrophe du 8 janvier 1912, dans un atelier de la Fonderie.

  

La catastrophe du 8 janvier 1912

 

Ce jour-là, en fin d'après-midi, dans l'atelier des fours Martin, lors d'une coulée de bronze, une explosion souffla une partie de la toiture et brûla mortellement plusieurs ouvriers. Le lourd bilan, 8 morts et une quinzaine de blessés, suscita une vive émotion. Deux familles réclamèrent les corps et procédèrent à un enterrement privé (civil dans un cas). Des obsèques officielles furent organisées pour les 6 autres, le jeudi 11 janvier (les drapeaux ont été mis en berne dès le mardi 9).

      

 

          La partie civile des obsèques, comporte les discours du préfet, du directeur de la Fonderie, du maire, du député, du  responsable du Syndicat de la Fonderie… en présence du sénateur, d'un représentant du ministre de la Marine, des généraux commandant la 24ème division et la 46ème brigade d'infanterie, du Procureur de la République, du Président du Tribunal civil, de l'encadrement de la Fonderie, des délégations des différents ateliers, des délégations de la Poudrerie d'Angoulême, de l'Arsenal de Rochefort, des sociétés de Secours mutuels… et d'une nombreuse assistance.

 

 

          La partie religieuse des obsèques, est présidée par le curé de Ruelle, elle concerne 5 ouvriers. L'évêque a rendu visite aux blessés à l'hôpital, a même envisagé de présider la cérémonie religieuse, mais il a sans doute paru difficile de l'intégrer dans une cérémonie civile avec toutes les personnalités du département quand une des victimes n'est pas enterrée religieusement.

 

Le Matin Charentais du 12 janvier, estime à dix mille le nombre de personnes présentes aux cérémonies, assistance à la hauteur de l'émotion ressentie par la population.

 

Une plaque commémorative, avec le nom des 8 victimes, a été apposée sous le porche d'entrée du cimetière, rue du Souvenir, même si toutes n'ont pas été inhumées à Ruelle.

Les lieux de sépulture

        Contrairement aux romains polythéistes, les chrétiens ont marqué une forte réticence au bûcher funéraire, sans doute en raison de son lien de parenté avec la religion juive, du dogme de la résurrection des corps… d’où la recherche de lieux d’inhumation. Au Moyen Âge, il a paru nécessaire de regrouper les vivants et les morts de la paroisse autour de l’édifice religieux ; ainsi se sont développés des enclos sanctuarisés. Mais les personnages importants ont pu bénéficier d’être ensevelis dans l’église, terre chrétienne par excellence.

          À Ruelle, à partir du 17ème, les traces écrites (actes notariés, registres paroissiaux) permettent de déterminer avec précision, les différents lieux de sépulture. Ils dépendent de l’Église jusqu’à la Révolution, puis la question des inhumations relève de la compétence de la municipalité.

 

Inhumations dans l’église Saint-Médard [1]

 

          Dans les registres paroissiaux, selon les époques et le prêtre, il arrive que le lieu d’inhumation soit indiqué avec précision, par exemple :

- à l’entrée à gauche

- à droite, près du bénitier

- près des fonts baptismaux

- sous la chaire, au droit de la chaire

- à gauche au bout de la chaire (ce qui indique que la chaire a été changée de côté)

- au droit de la porte du clocher

- côté droit sous les cordes des cloches

- devant l’autel St Mamert [2] (chapelle nord)

- devant l’autel St Sébastien [3]

- devant l’autel Notre Dame

- dans la chapelle de Fissac (en 1754, Melle Dutheil de Vidal)

- dans la chapelle de Ruelle (1768)

- devant le grand autel du côté de l’épitre (dame du Maine Gagnaud, en 1642)

- dans le chœur à droite (René de Hauteclaire, seigneur de Fissac, en 1666)

- au tombeau ou aux sépultures des Béchade…

- dans la chapelle du Maine Gagnaud (famille Labatud détentrice du fief du Maine Gagnaud, 2ème moitié du 18ème) [4].

 

           Il faut imaginer, sous les bancs ou rangées de chaises avec prie-Dieu, un sol inégal, avec des pierres tombales indiquant quelles personnes sont ensevelies en dessous, les dalles devenant plus imposantes en se rapprochant du chœur. En effet, en allant du chœur vers la porte d’entrée, la succession des tombes reproduit à peu près la hiérarchie de la société, tout en sachant que des évolutions ont pu se produire dans les fortunes, que des familles ont disparu et que leur place a été reprise par d’autres…

           Ainsi, par trois dimanches, au prône de la grand-messe, le vicaire a annoncé l’aliénation du lieu de sépulture et banc de Jean Paulte, écuyer et seigneur des Riffauds ; ce lieu, de 6 pieds carrés, situé à droite dans l'église et près du chœur doit être aliéné au plus offrant et dernier enchérisseur, au profit de l'église.

          C’est Henriette Derobesne, veuve d'Alexandre Dussouchet écuyer, sieur des Arnauds, et y demeurant, qui remporte l’enchère avec 40 livres pour l'entrée du dit droit de banc et sépulture, et 20 sols de légat (dont 10 sols au curé pour dire une messe le lendemain de St Jean Baptiste et 10 sols à la fabrique à chaque St Jean Baptiste). (Acte dressé le 17 avril 1700, en présence de Jean Dufilhol curé, Pierre Picard vicaire demeurant au bourg, Philippe Delaurière laboureur à bœufs des Seguins et Nicolas Georget poissonnier au bourg, fabriqueurs ; AD G 928-25).

          Mais le rang dans la société peut être affirmé par une construction qui s’impose à tous, comme par exemple, l’édification d’une chapelle avec droit de sépulture. C’est l’objet de l’acte qui suit, acte passé par le seigneur de Ruelle en 1670 (AD G928-14).

          Aujourd'huy dernier jour de juillet 1670 par devant le notaire royal en Angoumois soussigné et témoins ci-bas nommés et écrits ont comparu et se sont présentés de leurs personnes monseigneur Pierre Lauvergnat prêtre curé de la paroisse de Maignac et de Ruelle son annexe, demeurant à présent au séminaire en la ville d'Angoulême, et Jacques Delesgaud et Bertrand Testaud syndics fabriqueurs de ladite paroisse de Ruelle et y demeurant d'une part, et Marc Guillaumeau escuyer seigneur de Ruelle demeurant en ladite ville d'Angoulême d'autre part.

          Lesquels dits sieurs curé et fabriqueurs après avoir eu communication du procès-verbal de visite et ordonnance de Monseigneur l'évêque d'Angoulême (François de Péricard)  en date du 22 mars dernier, par la lecture qui leur en a été présentement faite, ensemble du certificat de la publication par trois divers dimanches par messire Jean Poncet prêtre vicaire de ladite paroisse de Ruelle des offres  faites par ledit sieur de Ruelle pour la fondation de la chapelle ci-après énoncée en date du 12 juillet audit an… ont consenti et consentent par ces présentes que ledit sieur de Ruelle, suivant la permission à lui donnée par mondit seigneur évêque … fasse bâtir et construire une chapelle joignant et ensuite de celle ci-devant bâtie par le sieur de Fissac, de même longueur et largeur que celle du sieur de Fissac pour servir audit sieur de Ruelle et aux siens de son nom et famille ou qui de lui auront droit et cause de sépulture à la charge qu'il transportera son banc qu'il a dans le chœur dans ladite chapelle bâtie qu'elle soit (= quand elle sera bâtie) et icelle entretiendra lui et les siens à perpétuité ensemble l'autel d'icelle à l'avenir des ornements convenables avec pouvoir d'y faire mettre ses armes et ceinture [5]… agréant et acceptant lesdits sieurs curé et fabriqueurs tant pour eux que pour leurs successeurs l'offre faite par ledit sieur de Ruelle de quarante sols de rente annuelle et perpétuelle à ladite fabrique de ladite église et de 40 livres une fois payée suivant l'acte de publication ci-dessus énoncé … laquelle dite somme de 40 livres une fois payée, ledit sieur de Ruelle a promis et sera tenu payer quand il en sera requis par les fabriqueurs, et les employer à la réparation de ladite église et celle de 40 sols de rente à chacun jour second de juillet et chacune année , jour et fête de la visitation de la vierge sous laquelle fête ledit sieur de Ruelle sous le bon plaisir de mondit seigneur évêque a désiré que ladite chapelle ait été fondée dont le premier payement commencera au second juillet 1671 et continuera d'année en année à perpétuité audit terme.

          Outre laquelle somme de 40 livres… ledit sieur de Ruelle… s'est obligé de bailler et payer auxdits fabriqueurs la somme de 20 livres une fois payée pour employer en l'achat d'un parement d'autel et chasuble pour le grand autel ou autres réparations qui seront jugées plus nécessaires pour ladite église par lesdits sieurs curé et fabriqueurs, ensemble a promis et s'est obligé de bailler et payer audit sieur curé et successeur annuellement et perpétuellement la somme de 20 sols de rente payable audit jour second juillet de chacune année dont le premier payement commencera au second juillet de ladite année prochaine 1671 à la charge que ledit sieur curé et successeurs diront annuellement et perpétuellement une messe basse en ladite chapelle audit jour et fête de la visitation de la vierge…

          Fait et passé audit bourg de Ruelle en la maison de Renée Delussac veuve de défunt Pierre Besougne maître papetier, avant midy ; présents Nicolas Benoist marchand demeurant en la ville d'Angoulême et messire Jean Poncet prêtre vicaire dudit bourg de Ruelle et de messire Jean Besougne praticien [6], … et ont lesdits sieurs et Lauvergnat de Ruelle et témoins signé et ont lesdits Delesgaud et Testaud fabriqueurs déclaré ne sçavoir signer de ce dûment enquis et interpellés…

 

          Jean François Birot, seigneur de Ruelle, est enterré dans cette chapelle, le 5 janvier 1768 ; la famille Birot a acheté le fief en 1694.

          Cet acte notarié, par ses indications  (construire une chapelle joignant et ensuite de celle ci-devant bâtie par le sieur de Fissac, de même longueur et largeur que celle du sieur de Fissac , c’est-à-dire une chapelle dans le prolongement de celle de Fissac, contiguë à celle-ci et ayant les mêmes dimensions) incite à penser que l’actuelle grande chapelle, côté sud, dite chapelle de la Vierge, est la réunion des anciennes chapelles de Fissac et de Ruelle.

          Il peut arriver que l’enterrement définitif ait été différé ; ainsi le vicaire de Ruelle note-t-il que le 3 janvier 1646, Hugues Delaurière, des Seguins, a fait exhumer les ossements de Pierre Delaurière et Françoise Seguin ses père et mère, de Jean Delaurière son frère qui avaient été enterrés dans son jardin l'année 1634, "l'an de la contagion" (épidémie de peste), et les a fait transporter dans l'église.

          Pour des raisons de salubrité, les inhumations dans l’église se raréfient dans la deuxième moitié du 18ème puis, sous la Révolution, disparaissent complètement avec les mesures de déchristianisation et la fermeture de l’édifice au culte catholique. De plus le décret du 23 prairial an XII [7] interdit les inhumations dans les églises, les temples, les édifices publics.

 

[1] Saint Médard : évêque de Noyon au 6ème siècle.

[2] Saint Mamert : évêque de Vienne (sur le Rhône) au 5ème siècle.

[3] Saint Sébastien : martyr romain du 3ème siècle.

[4] Selon l'abbé Gaudin, la chapelle privée du logis du Maine Gagnaud aurait été utilisée pour des sépultures.

[5] Ceinture ou litre : bande noire que les seigneurs avaient le droit de faire peindre, ornée de leurs armes, dans les églises ou chapelles, en l'honneur des morts de leur famille.

[6] Praticien : auxiliaire de justice

[7] 12 juin 1804

Inhumations dans les cimetières

 

          Où était situé le cimetière au 17ème siècle ?

           Dans des actes de sépulture datant de 1641-45, la mention : « a été enterré(e) dans le cimetière, devant la porte de l’église » montre que le cimetière s’étendait sur l’actuelle place de l’église (devant et jusqu’à la route du bourg). Si la hiérarchie sociale était moins présente que dans l’église, les « meilleures places » correspondaient à la proximité de la porte d’entrée dans l’édifice religieux.

          La localisation des tombes, parfois imprécise, donne cependant une idée de l’organisation de l’espace, même si celle-ci a pu évoluer au cours des années :

- devant l’entrée de l’église

- près de la croix devant l’église

- au coin gauche de l’église

- aux sépultures de ses devanciers, de ses parents, de ses prédécesseurs

- aux sépultures des Delesgaud, près la grande croix devant la porte de l'église

- aux sépultures du village du Maine Gagnaud

- aux appartenances (ou aux sépultures) du village des Riffauds

- dans le grand cimetière

- au cimetière des pauvres, près du jardin de la cure

- au cimetière des étrangers

          Le grand cimetière occupait la partie de la place de l’église, au-dessus de l’entrée, en allant vers le chemin des moulins. Là devaient se trouver le coin des pauvres (indigents) et celui des étrangers. Il semble aussi que des espaces particuliers soient réservés à certains villages (Maine Gagnaud, Riffauds).

 


Emplacement du cimetière antérieur à 1759 (cartes postales anciennes)

 

          Parfois les petits enfants étaient enterrés à part, notamment lorsqu’ils étaient morts avant d’avoir été baptisés et dans ce cas ne bénéficiaient pas d’une cérémonie religieuse. Pour éviter cette situation, en cas de doute quant à la survie de l’enfant, celui-ci était ondoyé par une des personnes assistant à l’accouchement.

 

Plan dressé à partir d'un extrait du cadastre de 1824 (Archives départementales)
Plan dressé à partir d'un extrait du cadastre de 1824 (Archives départementales)

 

          Un nouveau cimetière au sud de l’église, au milieu du 18ème

 

          Le cimetière s’étendant devant l’église n’est pas clos, exposant les tombes aux dégradations des animaux. Mais est-il possible de dresser une clôture sans couper toute communication à l’intérieur du bourg ? C’est la solution à ce problème qui est exposé aux habitants de Ruelle, en 1758 et retracée dans l’acte dressé par le notaire Thénevot, devant la porte de l’église. (Thénevot 2E.4969)

 

          Aujourd'hui 1er janvier 1758 nous notaire royal en Angoumois soussigné et témoins cy après nommés à ce requis de Messire Louis Bernard prêtre curé de l'église Saint Médard de Ruelle, archiprêtré [1] de Garat, nous sommes transportés jusqu'à ladite église de Ruelle où estant, sont comparus par devant nous ledit sieur curé et Jean Seguin dit Mounet, Pierre Herbaud, syndics et fabriciens en charge, Jean de Vantenat, Jean et Pierre Béchade, François Petit, Jean et Jacques Delaurière, Pierre Seguin, Jean Guindon, Pierre Pastoureau, Antoine et Jean Ecoupeau, Jean Audier, Jean Laquaire, François Sabourdin, Guillaume Biget, Etienne Viaud, Jean Testaud, Martin Cheminade, François et autre François Pérot père et fils, Jean Barraud, Nicolas Guionnet, Louis Cheneau?, François Gibeau, François Dubois, Jean Fort, Jean Pastoureau, Pierre et François Coulleau, François Brouillet, Michel Comte l'aîné, Etienne Siret, Pierre Guionnet, Jean Pinasseau, Philippe Delaurière, Jean Laquaire, Jacques Delaurière, Pierre Pasturaud, François Gautier, Antoine Dervaud, Jean Biget dit Malési, Pierre et Jean Seguin, tous principaux habitants de ladite paroisse de Ruelle, convoqués et assemblés au son de la cloche à la manière accoutumée au-devant de ladite église, issue de la messe qui s'y est dite et célébrée, pour délibérer sur le procès-verbal de visite faite par Monseigneur l'illustrissime et révérendissime évêque d'Angoulême [2], de ladite église de Ruelle et du cimetière qui est au-devant, au bas duquel est son ordonnance du 12 décembre 1756 qui enjoint entre autres lesdits habitants de renfermer ledit cimetière de murs ou de haies vives et fossés sous peine d'interdiction six mois après la publication de ladite ordonnance, au vu de laquelle il se serait fait une assemblée au mois de juillet dernier de partie desdits habitants, qu'ils reconnurent la nécessité qu'il y avait de faire renfermer ledit cimetière pour éviter que les corps qui y sont inhumés ne soient désenterrés par quelques bêtes suivant les exemples qui en ont apparu ; ayant considéré que les dépenses qu'il conviendrait faire pour une pareille manœuvre et par la difficulté qu'il y aurait d'aborder à ladite église par le retranchement de trois chemins qu'il faudrait faire auxquels ladite église fait face et par le dérangement de plusieurs bâtiments qui appartiennent à quelques particuliers dudit bourg de Ruelle si ladite clôture se faisait, ledit sieur Bernard voulant concourir à la facilité publique de ses paroissiens leur aurait proposé sous l'agrément de mondit seigneur l'évêque, un emplacement à côté de ladite église pour y faire un nouveau cimetière dont le terrain lui appartient, lequel faisait partie du jardin de la cure qui est à présent ensemencé en pré luzerne, sous les conditions qu'il sera payé audit sieur Bernard l'équivaleur qui pourrait en coûter pour renfermer le cimetière actuel… lesdits habitants ayant d'une unanime voix convenu que la proposition à eux faite par ledit sieur Bernard leur être très avantageuse d'autant plus que le terrain du cimetière actuel leur servira pour un emplacement et aisance à ladite église à laquelle pareil ornement est très nécessaire, et que l'emplacement à eux proposé par ledit sieur Bernard leur sera d'autant plus commode pour le changement dudit cimetière qu'il sera renfermé dans son contour aux frais dudit sieur curé de murs suffisamment élevés et proportionnés à la clôture d'un lieu de pareille destinée… ledit sieur Bernard de son gré libre volonté a cédé, délaissé, transporté auxdits habitants ici présents, stipulant et acceptant, faisant tant pour eux que pour les autres habitants absents ledit emplacement et partie de jardin susnommé la chapellenie et la prise de la frérie située à côté de ladite l'église le long de laquelle il confronte du côté du nord jusqu'au coin de la sacristie duquel coin allant en direct jusqu'à la rivière de Touvre, tournant sur la droite du côté du levant, confronte à la rivière… au jardin de Simon et Jean Laquaire père et fils à huit toises de longueur du côté du midi… et du côté du couchant audit cimetière actuel, tournant encore à droite jusqu'à ladite église et première confrontation ; duquel dit emplacement ledit sieur curé s'est dès à présent démis, dévêtu, dessaisi en faveur desdits habitants pour par eux y faire ledit cimetière nouveau et en jouir comme ils ont fait et sont en droit de faire du cimetière actuel ainsi qu'ils aviseront communément entre eux avec les garanties de droit, lequel dit emplacement est mouvant et relevant à droit de rente seigneuriale de la cure dudit Ruelle…

Fait et passé les jours et an susdit au-devant de la principale porte de ladite église , en présence des susnommés et encore en

présence de Jean Baptiste Fleurat demeurant en la ville d'Angoulême et de Nicolas Rouaud couvreur demeurant au bourg de Mornac, témoins requis et qui ont signé avec tous les soussignés qui le savent, les autres ayant déclaré ne savoir signer de ce enquis et interpellés.

 

          Avec la permission de l’évêque, ce nouveau cimetière est béni le 26 novembre 1759 par le curé de Ruelle, en présence des curés de L’Isle, de Mornac, de Soyaux, de Saint Sornin, de Touvre et d’un prêtre de la congrégation de la Mission.

          Jusqu’à la Révolution il dépend de l’église, puis passe sous contrôle municipal et devient le seul lieu d’inhumation. Mais il a l’inconvénient d’être trop près des habitations ; en effet, dès le début du 19ème, un arrêté préfectoral prohibe les inhumations autour des églises et près des lieux habités. À l’automne 1845, une pétition demande la suppression de ce cimetière entouré de maisons, trop exigu et inondé en partie par la Touvre. Le conseil municipal décide de chercher un autre lieu pour le remplacer.

          En 1851, après l’ouverture du cimetière de la Croix Rompue, il cesse d’être utilisé mais la commune souhaite qu’il ne soit pas aliéné par respect dû aux cendres des ancêtres. La commune assure un entretien des lieux, fait faucher l’herbe et la vend, fait abattre des peupliers et espère employer les planches et madriers pour les travaux de réparation projetés à l’église et au presbytère. Cependant la politique du conseil hésite entre deux options : l’ancien cimetière sera-t-il une place publique (entrant dans la voirie) ou un terrain privé appartenant à la commune ? En choisissant la 2ème option, elle interdit la création d’ouverture ou leur agrandissement par les propriétaires limitrophes ; pour certains conseillers il ne faut pas laisser se créer de servitudes si on veut vendre le terrain.

 

[1] Archiprêtré : subdivision du diocèse; l'archiprêtre est chargé par l'évêque d'un rôle de surveillance des autres prêtres de sa circonscription.

[2] Joseph-Amédée de Broglie (évêque de 1753 à 1784)

 

Carte postale : l'église et l'ancien cimetière au début du 20ème
Carte postale : l'église et l'ancien cimetière au début du 20ème

 

Finalement, dès 1895, le marché aux moutons qui se tient sur la place de l’église depuis 1853, commence à occuper l’ancien cimetière et même en 1901, l’occupe totalement, la place de l’église étant encombrée de matériaux destinés à la reconstruction d’une maison qui a brûlé. Et la dernière étape de la transformation en place publique est franchie en vendant l’ancien mur de clôture aux riverains (1909).

 


L'ancien cimetière en janvier 2017

 

Le cimetière de la Croix rompue

 

Extrait du cadastre de 1824
Extrait du cadastre de 1824

La Croix Rompue :

Une croix de carrefour marquait l'entrée du bourg.

Un acte notarié du 23 décembre 1719 (Louis de Lalande, 2E 4959) mentionne les agriers du mas de la Croix barat, délimité en partie par l'ouche de la Croix et le chemin menant de la Croix barat à Champniers jusqu'au renclos de la Combe-Dieu (en occitan, "barra" évoque l'idée de barrière, limite, voire enclos) ; l'arpentement de 1742 fait référence à l'ouche de la Croix et au chemin de la Croix (l'ouche est une petite pièce de terre enclose de haies, près de la maison, où sont plantés des arbres fruitiers et cultivés des légumes).

Dans le cadastre de 1824, le lieu est désigné sous le nom de la Croix Rompue, la croix ayant dû se casser à la fin du 18ème ou au début du 19ème.

 

Vestiges près du porche d'entrée, (à l'extérieur).  

 

La 1ère parcelle

Pour remplacer le cimetière près de l’église, le conseil recherche un lieu propice à remplir l’office c’est-à-dire un terrain non inondable avec une profondeur de terre suffisante. En février 1846, la commission retient une parcelle de 32 ares entre la route de Limoges et le chemin de la Ponche, le long du chemin du bourg à Vaugeline, appartenant à Pierre Penot, au plantier de la Croix Rompue. Comme le maire n’a pas pu traiter à l’amiable avec Pierre Penot, le conseil décide de poursuivre en vue d’une expropriation dont le jugement est prononcé en 1849 ; Penot accepte l’estimation du tribunal (1440 francs) mais demande le droit d’arracher et d’enlever les ceps. 

 

Les travaux de clôture (3321,96f) réalisés par M. Picard sont réceptionnés en mars 1851. On décide alors de tracer les allées, de mettre une croix en pierre de taille au milieu du cimetière, au croisement des deux allées principales ; elle mesurera 3m au-dessus de l'autel, aura 3 gradins et 4 faces (sur le modèle de celle de la Madeleine près d'Angoulême, mais qui, elle, n'a que 3 faces !). Ce travail est confié à l’entrepreneur Picard pour 250f. 

La grande croix - Photo 2017
La grande croix - Photo 2017

En ce qui concerne la gestion du cimetière, un secteur est réservé aux enfants de moins de 10 ans, un aux personnes d’un culte réformé, un aux étrangers. Le prix des concessions varie selon la durée (perpétuité, 30 ans, 15 ans) ; le creusement de la fosse coûte 3f pour une personne de plus de 10 ans et 2 f pour un enfant en dessous de 10 ans. Le préfet donne son accord pour les tarifs des concessions (mai 1851) en précisant que 2/3 reviendront à la commune et 1/3 sera destiné aux pauvres (par exemple distribution de pain aux indigents à l’occasion de la fête de l’empereur…).

 

Il est décidé de faire bénir le cimetière le 24 juin 1851, jour de la saint Jean par l’évêque [Mgr Cousseau, arrivé à Angoulême en janvier 1851 (1851-1873)]. Il sera reçu avec les honneurs qui lui sont dus : le conseil ira au-devant, accompagné de la garde nationale. 

 

Certaines familles ont fait transférer leur tombeau dans ce nouveau cimetière ; ainsi trouve-t-on des pierres tombales avec une indication de date de décès antérieure à la mise en service. En février 1877, pour transformer l’ancien cimetière en place publique, le conseil invite les familles qui ont encore des pierres tumulaires à les faire enlever.

 

 

Photo ci-contre 2017 - Tombe de Pierre Arsène Moulin, directeur de la Fonderie royale, décédé à Ruelle le 21 juillet 1839 ; cette tombe a donc été transférée après 1851 dans le nouveau cimetière.

 

Le 1er agrandissement

 

          Corrélativement à l’essor de l’activité de la Fonderie, la population augmente passant de 1578 habitants en 1851 à 1831 en 1871. Aussi dès 1875, la municipalité s’inquiète-t-elle du peu de places disponibles dans le cimetière. L’agrandissement n’est possible qu’en s’étendant vers l’est, c’est-à-dire en achetant une nouvelle parcelle dans la pièce de terre contiguë appartenant aux héritiers de Pierre Penot [1].

          Hériard accepte de vendre une bande de 32 ares pour 1600 francs (acte de vente du 15 août 1877). Il faut compter en plus la construction du mur de clôture et la pose d’une grille sur la RN 141 (3138,72f +800f). Comme le prix du mur n’est pas assez rémunérateur, aucun adjudicataire ne se présente ; en conséquence le conseil laisse au futur entrepreneur les pierres du mur à supprimer du côté de l’agrandissement. C’est Chapeaublanc, entrepreneur à Magnac sur Touvre qui est choisi lors de l’adjudication du 16 octobre 1877. La réception des travaux de clôture (mur et grille) a lieu le 1er août 1878 et l’agrandissement est mis en service.

          En 1888, le conseil décide d’ensabler les allées.  

 

Le 2ème agrandissement

 

          La population continuant d’augmenter (2914 hab. en 1891), il faut à nouveau penser à agrandir le cimetière. Le conseil prévoit d’acquérir une nouvelle bande de terre d’environ 37 ares dans la parcelle contiguë et, en mai 1896, nomme une commission pour négocier avec Mme Veuve Hériard. Celle-ci refuse le prix de 12 francs les 0,16 ares [2] mais accepterait peut-être de traiter à 15 francs. Finalement la transaction se monte à 3000 francs (à raison de 13 francs les 0,16 ares). À cette somme il faut ajouter la construction du mur de clôture ce qui porte le montant à 6500 francs. Le conseil, toujours aussi économe, toujours à cours d’argent, demande une subvention au département car de nombreux "étrangers" sont enterrés à Ruelle. Par étrangers, il faut entendre non originaires de Ruelle, tous ces "rapportés" qui viennent travailler à la Fonderie. Et le conseil a eu raison de quémander car une lettre du préfet annonce une subvention de 500 francs, prise sur les fonds des amendes de police, ce qui lui permet de limiter son emprunt à 6000 francs (mars 1897).

Lors de l’adjudication des travaux de construction du mur de clôture, le 27 mars 1898, c’est Hippolyte Semur, de Saint-Yrieix, qui obtient le marché grâce à un rabais de 11% sur le prix proposé. La réception définitive des travaux a lieu le 3 avril 1899 en présence d’Antoine Pontaillier, maire, Jean Reffaud et Louis Chapeaublanc, conseillers municipaux, d’Hippolyte Semur, entrepreneur.

          En 1908, la municipalité doit faire face à un incident : le 13 mars, le mur qui longe la route du bourg à Vaugeline s’est écroulé sur une longueur de 20m près du carrefour avec la route de Limoges. Il est décidé de le reconstruire avec une épaisseur de 0,85m sur une hauteur de 1,50m, puis de 0,70m sur une hauteur de 1m, et au-dessus avec l’épaisseur réglementaire de 0,50m. Ces travaux confiés à Félix Marioton, maçon à Ruelle, d’un montant de 513 francs sont réceptionnés en juillet 1908.

          En novembre 1911, il est décidé d’installer une cloche pour annoncer la fermeture des portes chaque soir.

 

Le 3ème agrandissement

 

          En 1920, il faut encore envisager d’agrandir le cimetière, le nombre d’habitants atteignant 4000, mais la question est ajournée. En 1921, la question est réexaminée : on décide d’acheter une bande supplémentaire de 60 m le long de la RN 141 en direction de la Ponche [3], dans le terrain limitrophe. Mme de Fleury (née Hériard) accepte de vendre 38 ares à 2,50f le m². L’extrémité du cimetière reste à distance réglementaire des habitations (plus de 35-40m) et un espace est réservé à l’érection du monument aux Morts. Lors de l’enquête sur l’agrandissement, un habitant de la Ponche émet des réserves pour son puits qui risque d’être contaminé, mais comme la distance qui sépare la limite du cimetière de la propriété de cet habitant est de 54m, le conseil conteste la réclamation (janvier 1923). Le 26 août 1923, les travaux sont adjugés à Paul Imbert, entrepreneur de travaux publics, avenue Wilson à Ruelle, pour 27991f (mur, grille, allées…). La réception définitive a lieu le 4 mars 1925. Le coût total de l’opération s’élève à 40.000 francs environ (y compris les 9650f pour l’acquisition du terrain selon l’acte de vente du 4 juillet 1923). En avril 1921, le conseil  a accordé une concession gratuite aux soldats morts pour la France.

          Dès la mi-février 1924, certains conseillers proposent que la commune se rende acquéreur du reliquat de la pièce de terre appartenant à Mme de Fleury à l’est du cimetière ; ils envisagent de l’utiliser soit comme dépôt d’immondices, soit comme halte des nomades, soit comme lieu de construction d'un asile de nuit servant d'abri l'hiver aux passants dénués de ressources, ou encore comme lieu d’installation des entrepreneurs de caveaux et tombes, afin de dégager la 141 le long de laquelle ils se sont établis. Dans la quinzaine qui suit, est déposée une pétition des habitants de la Ponche s’élevant contre l’emploi projeté de la pièce de terre. Cependant  la parcelle (2645m²) est achetée 3000f, en mars 1925, pour servir de dépôt de matériaux à la commune et aux entrepreneurs de monuments funéraires. En février 1928, il est décidé que ces entrepreneurs devront enlever leurs blocs de pierre entreposés sur l'accotement de la 141, en bordure du cimetière, et s'installer dans le terrain réservé à cet effet sur le bord nord-est du cimetière ; ils paieront une location de 25f par an à compter du 1er janvier 1928 (les entrepreneurs concernés sont : Loulergue, Billiat, Lachaise, Imbert, Millac, Charrin, Ferrer et Mousnier) ; Delage qui a installé une scierie provisoire sur le terrain paiera 200f.

 

Le 4ème agrandissement

 

          Un nouvel agrandissement s’avère nécessaire en 1939 (la population a atteint le nombre de 4500 habitants en 1936). Quelles possibilités reste-t-il ? On envisage une extension à l’est, dans le terrain communal servant de dépôt et au sud sur des terres appartenant à Elie Danède et Daniel Pontaillier mais celles-ci sont situées de l’autre côté du chemin de chez Jean Fils ; il faudra donc déplacer le chemin. L’estimation du coût de l’opération (achat des terrains, clôture, changement d’assiette du chemin) dépasse 200.000 francs. En mars 1940, le géologue consulté donne un avis favorable. Mais le projet achoppe sur le prix du terrain ; en mai 1940, le conseil trouve les prétentions de Daniel Pontaillier exorbitantes : ce sera 50000f sinon une procédure d’expropriation sera engagée. Mais avec la guerre, la défaite, le manque d’argent, le conseil, en décembre 1940, doit mettre en sommeil une partie de son projet d’autant que Daniel Pontaillier travaille à Alexandrie, en Egypte ; on se limitera provisoirement à un agrandissement dans le terrain communal.

          En mars 1941, le nouveau conseil qui vient d’être installé par le gouvernement de Vichy, approuve l’extension d’urgence dans le terrain communal, ce qui entraîne une nouvelle protestation du plus proche voisin pour l’eau de son puits qui risque d’être contaminée. Après examen du rapport du commissaire enquêteur le conseil décide de passer outre d'autant que les dispositions du décret du 23 prairial an XII sur la distance entre habitations et cimetières (au moins 35m) ne sont pas applicables s'il existe une conduite d'eau potable sous pression ; or la conduite passe devant la maison, route de Limoges. La clôture est déplacée de 15m vers l'est ; il en coûtera 40.000 francs.

          La porte de communication avec le dépôt de matériaux situé à l'est, sera supprimée en 1977.

 

Le 5ème agrandissement

 

          En février 1946, le conseil reprend la deuxième partie du projet d’avant-guerre, Daniel Pontaillier, directeur de la Compagnie du gaz d’Alexandrie étant temporairement présent à Garat. Un accord est enfin trouvé en juin 1946 ; le coût des terrains s’élève à 5850f pour Danède (15 ares) et 100000f pour Pontaillier (97 ares). Cependant, si l'étude géologique indique que le terrain est propice à l'utilisation prévue, elle attire l'attention sur la présence d'eau à moins d'un mètre de profondeur après une longue période de pluies. Il va donc falloir prévoir un remblai. Les travaux sont estimés à 2.428.000 francs (construction des murs, déplacement du chemin de la Ponche, remblai, déplacement du monument aux morts à côté de la nouvelle entrée [4]…). L'adjudication, le 12 mai1947, est remportée par André Gros d'Angoulême avec un rabais de 19%. Les travaux sont terminés en janvier 1949.

 

[1] Marie Penot, M. et Mme Hériard. Mme Hériard, née Henriette Louise Trémeau de Fissac,  fille de Suzanne Penot et de Pierre Sébastien Léon Trémeau de Fissac, a épousé François Clément Jules Hériard ; Suzanne et Marie Penot sont les filles de Pierre Penot décédé le 20 octobre 1867 et de Marie Jeanne Longeau, décédée le 16 septembre 1863. Le tombeau des Hériard à l’angle ouest du cimetière, dominait le carrefour "avenue Wilson-rue du Souvenir", avant les travaux de mai-juin 2017.

[2] Unité qui peut surprendre, mais qu’il faut sans doute considérer comme la 200ème partie d’un journal. Dans les mesures d’Ancien Régime, 1 journal vaut 200 carreaux, le carreau correspond à un carré de 2 toises de côté, soit 4 toises carrées (soit 16 m², la toise mesurant approximativement 2m). Dans les équivalences avec le système métrique on considère que 3 journaux font 100 ares. A la campagne, au milieu du 20ème siècle, on se référait encore couramment au journal, dans le langage oral.

[3] En occitan poncha désigne la pointe.

[4] Disposition modifiée par la suite

 

Plan dressé à partir du cadastre de 1968 (mise à jour 1982) - Les limites des agrandissements successifs sont approximatives ainsi que les implantations de la Grande Croix et du Monument aux Morts.
Plan dressé à partir du cadastre de 1968 (mise à jour 1982) - Les limites des agrandissements successifs sont approximatives ainsi que les implantations de la Grande Croix et du Monument aux Morts.

Au début de 2017, le mur menaçant de s'écrouler à l'angle de l'avenue Foch et de la rue du Souvenir, des travaux sont réalisés en mai-juin : ils se traduisent par le déplacement du tombeau de la famille Hériard (réédifié dans l'allée parallèle à la rue du Souvenir, entre le mur nord et la grande croix) et par la reconstruction du mur  de clôture en recoupant l'angle droit afin de donner un peu plus de visibilité pour franchir le carrefour.


 

Le cimetière de chez Jean Fils

 

          Les limites d’extension ont été atteintes à la Croix Rompue, sauf à envisager de creuser des tombes dans la vallée inondable du Bac du Chien. Comme la population a continué d’augmenter (plus de 6500 habitants en 1968 et même plus de 8000 en 1975), il faut chercher un nouveau lieu d’ensevelissement. Dès 1973 on pense au versant nord de Puyguillen, à la Grande Versenne, avec un accès par le chemin de la Messe. Comme la majorité des propriétaires refuse de vendre, en raison des délais d’expropriation, le maire propose au conseil, en août 1974, des terrains disponibles près de chez Jean Fils (environ 7 ha). Mais la commune ne peut acquérir à l'amiable que 2ha 59a (pour 61132f). Afin d'avancer dans la réalisation du projet, elle demande au préfet, dès juin 1975, de lancer l'enquête de commodo et incommodo et ensuite l'enquête d'utilité publique si la première n'est pas défavorable. En octobre 1975, le conseil accepte la proposition d'un autre propriétaire et acquiert une parcelle contiguë de 1 ha 41 ares pour 70765 f.

          L’acquisition des parcelles étant considérée achevée à la fin de 1976, il est demandé au géomètre de procéder aux levées topographiques ce qui permettra de déterminer l'aménagement des lieux avec le concours du cabinet d'architectes Poncelet. L'avant-projet, en octobre 1977 s'élève à près de 1.900.000 francs. Il faut trouver le financement et, fin 1978, à la demande du préfet, scinder les travaux en plusieurs tranches pour bénéficier de subventions. La 1ère tranche comprend l'accès au cimetière, le bâtiment d'accueil, les clôtures…mais les entreprises ne sont choisies qu'à la fin du mois de juin 1979 et les travaux de la voie d'accès commencent au début de 1980. La mise en œuvre du projet n'est pas un modèle de rapidité ! Et les déboires ne sont pas terminés : le cabinet d'architectes n'a pas pris en compte la ligne haute tension de 90 kv Champniers-Soyaux qui passe au-dessus du terrain, aussi faut-il arrêter les travaux fin mars 1980. La distance minimale entre la ligne et les voies de circulation (route ou parking) doit être de 8m, or le nivellement prévu la réduit à 5m ; il est donc dangereux de faire évoluer des engins de terrassement dans la zone de sécurité. En conséquence, il faut soit déplacer soit surélever le pylône, mais ce sera aux frais de la commune.

          Les retards successifs obligent la municipalité à reprendre des terrains communs dans l'ancien cimetière : il existe des carrés réservés aux indigents, carrés délimités en 1851 et 1876 où des emplacements peuvent être repris s'il n'y a pas eu d'inhumation depuis au moins 5 ans. Cette recherche est d'autant plus nécessaire que de nouveaux contretemps surviennent : en mai 1981, il faut passer de nouveaux marchés, certaines entreprises étant défaillantes.

          Pour éviter de perdre à nouveau du temps, le règlement du cimetière est voté dès mars 1982 alors que les entreprises s'activent encore sur le chantier. Ce règlement est beaucoup plus contraignant et limitatif  que celui de l'ancien cimetière en ce qui concerne les constructions sur les tombes, afin de faciliter les reprises ultérieures.

          Les travaux terminés, le nouveau cimetière ouvre officiellement le 1er août 1982 et en mars 1987, il est dénommé "cimetière du Renclos [1] de chez Jean Fils".

 

[1] Renclos : terrain clos de haies vives et un peu éloigné des bâtiments ; enclos qui n’était pas contigu à la métairie de chez Jean Fils.

 

En parcourant les allées des cimetières de la commune

 

          L’observation des tombes, au-delà des noms des disparus, de leur âge de décès, est riche de renseignements. L’aspect des sépultures est tout à la fois le reflet de la position sociale, le reflet de l’évolution des croyances, mais aussi le reflet d’une certaine mode, ce qui est d’autant plus visible que l’utilisation du cimetière, par les agrandissements successifs s’étale sur plus d’un siècle.

          La tombe se résume-t-elle à un monticule rectangulaire (voire aplati) recouvert d’herbe avec une modeste croix comme dans le carré des indigents ? Est-elle délimitée par une rangée de pierres de taille posées de chant, enserrant éventuellement une couche de graviers ? Pour faciliter l’entretien, l’a-t-on recouverte d’une dalle ? Le tombeau peut aussi devenir un véritable monument de pierre de taille : jusqu’à 4 niveaux au-dessus du sol à moins que la partie hors sol abrite une chapelle (ce qui peut être un moyen de suppléer les inhumations dans l’église). Ces tombeaux monumentaux sont plus nombreux dans les parties les plus anciennes du cimetière.

 


Exemples de chapelles - Photos 2017

 

          Le chevet de la tombe est parfois dominé par une armature métallique sur laquelle on accrochait le mobilier funéraire (christ, couronnes artificielles…) qui était à la mode au début du 20ème. Il subsiste même des auvents métalliques pour protéger ces couronnes et ces croix constituées de petites perles de verre coloré enfilées sur un maillage de fils métalliques qui résistaient mal à l’oxydation.

 


Photos 2017

 

          Le nom des disparus est-il gravé dans la pierre ? sur une plaque en marbre ? écrit sur une céramique le plus souvent circulaire incorporée à la stèle ? Ce dernier moyen était très utilisé à la fin du 19ème et au début du 20ème.

          La sépulture, est-elle placée sous la protection d’une croix ? La croix (en fonte, en pierre ou en ciment) s’élève-t-elle au-dessus d’une stèle ou est-elle seulement gravée sur celle-ci ? 

           S'agit-il d'une croix latine en usage dans l'église catholique ou d'une croix évoquant le culte réformé ?


Photos 2017

          Pour marquer un refus de la religion dominante (athéisme, anticléricalisme, ou autre raison), est-elle remplacée par une colonne tronquée, une boule, un motif rappelant l’Antiquité, par exemple une urne funéraire en forme de vase recouverte d’une draperie ?


Photos 2017

 

Le type de matériau employé influe sur la décoration : la pierre permet une sculpture diversifiée : croix ancrées, tréflées, polylobées… entablements et frontons classiques… motifs floraux.

 

 


Photos 2017

 

          Mais l’utilisation d’autres matériaux comme le béton, le marbre ou le granit introduit une diversité tant dans les couleurs que dans les formes. La partie inférieure de l’ancien cimetière qui correspond au dernier agrandissement, marque bien la transition avec le cimetière de chez Jean Fils.

 

Partie haute de l'ancien cimetière - Photo 2017
Partie haute de l'ancien cimetière - Photo 2017
Partie basse de l'ancien cimetière - Photo 2017
Partie basse de l'ancien cimetière - Photo 2017

Cimetière de chez Jean Fils - Photo 2017
Cimetière de chez Jean Fils - Photo 2017
Photo 2017
Photo 2017

 

          En outre le choix de la crémation devenant de plus en plus fréquent, il a été créé, dans le cimetière de chez Jean Fils, un espace réservé à la nouvelle forme de sépulture qui en résulte : des ilots avec cases constituant le columbarium.


Photo 2017
Photo 2017

 

          Enfin on ne peut qu’être attristé par l’état d’abandon de certaines tombes, voire de certains secteurs dans les parties les plus anciennes du cimetière de la Croix Rompue, contraignant la mairie à envisager la procédure de reprise de concessions. Même si la tempête de décembre 1999 a commis des dégradations en renversant des cyprès sur les tombeaux, elle n’est pas responsable de la disparition du lien avec le passé. En effet des familles ont quitté la région depuis longtemps et les descendants ont perdu tout contact avec Ruelle ou, des familles se sont éteintes notamment après la saignée de la 1ère guerre mondiale (certaines sépultures portent la mention « mort pour la France »).


Le monument aux morts

          Le bilan des pertes humaines dans une guerre n’avait jamais été aussi élevé que lors de la 1ère Guerre mondiale ; toutes les communes ont à déplorer la disparition d’une fraction importante de leurs jeunes. Comment rendre hommage aux hommes qui ont été sacrifiés ? On pense d’abord à dresser des tableaux d’honneur des « morts pour la France » pour les fixer dans la mairie et dans les écoles. Mais n’a-t-on pas inauguré en 1887, un monument sculpté par Raoul Verlet et dédié aux 661 mobiles [1] de la Charente tués lors de la guerre de 1870-71 ? Un courant général se dessine dans beaucoup de communes en faveur de l’érection de monuments aux morts, si bien que, pour limiter les dépenses, le gouvernement en arrive à faire voter une loi (26 octobre 1919) précisant les modalités de l’aide de l’État pour ces constructions, aide proportionnée aux efforts des communes.

 

[1] Garde nationale mobile constituée en 1870 avec des jeunes qui ne faisaient pas de service militaire (non retenus au tirage au sort, remplacés moyennant finances ; le service militaire n’était pas encore obligatoire pour tous).

Raoul Verlet (1857-1923), sculpteur né à Angoulême.

Le monument d’abord adossé à un vestige de l’ancienne muraille gallo-romaine intégrée à l’enceinte du château féodal d’Angoulême, fut transféré près de l’église Saint-Martial au début des années 30 lors de la démolition du mur, puis en 1958, revint dans les jardins de l’Hôtel de Ville, à l’extrémité de la façade sud. (Via Patrimoine : L’Hôtel de Ville d’Angoulême).

 

La première version du monument

 

La mise en place du comité d'érection

 

          Le 28 juin 1919, la commission des finances du conseil municipal de Ruelle, se prononce pour la constitution « d’un comité pour l’érection d’un monument aux jeunes patriotes tués à l’ennemi ou morts des suites des blessures ou de maladies contractées sur les champs de bataille ». Elle préconise d’édifier le monument dans le cimetière et de le financer par une souscription publique ; à cet effet, il lui semble nécessaire de prévoir un minimum de 10.000 francs pour envisager un monument en granit. Elle souhaite que la composition de ce comité soit majoritairement extra-municipale afin d’impliquer un maximum de personnes. Ces propositions sont entérinées au conseil du 27 septembre 1919 et « le comité pour l’érection d’un monument aux morts » comprend les membres suivants :

            - le maire

            - 3 conseillers

            - le directeur de la fonderie

            - le secrétaire général du syndicat

            - le président de la boulangerie coopérative

            - le président de la société coopérative avenue de la gare

            - le président de la société coopérative du centre

            - l'administrateur délégué de la coopérative "La Solidarité"

            - le président de la société de secours mutuels "La Fraternelle"

            - le président de la société de secours mutuels "Les Anciens militaires"

            - le président de la société de secours mutuels "La Bienfaitrice de la Touvre"

            - le président de la société de secours mutuels "La Mutuelle syndicale"

            - le président de la société de secours mutuels "La Société mutuelle"

            - le président de la société coopérative vinicole "La Laborieuse"

            - le président de la Musique de la fonderie

            - le président de la société de Gymnastique

            - le secrétaire général de l'Université populaire

            - M. le docteur Viroulaud

            - M. Alamigeon industriel

            - M. Raby industriel

            - M. Tétaud aîné propriétaire

            - M. Denis commerçant.

Lors de sa première réunion, le comité élit son bureau : présidents le docteur Viroulaud et Fradet adjoint faisant fonction de maire; vice-présidents Varache conseiller et Arrondeau pharmacien; trésoriers Alamigeon industriel et Denis Henri retraité ; secrétaires Mazaleyrat instituteur et Longat fils.

 

          Aux élections municipales du 30 novembre 1919, les premières depuis mai 1912, la majorité passe aux socialistes. Le comité, mis en place par la municipalité précédente, donne sa démission. Dès la mi-décembre, le nouveau conseil qui n’est pas en désaccord avec le comité, l’invite à poursuivre ses fonctions, émet le vœu que les conseillers sortants (membres issus de l’ancien conseil) continuent à siéger et y ajoute, pour le représenter, Antoine (maire), Lamy, Chissadon et Denis (conseillers municipaux).

 

Le financement et la réalisation

 

          Dans une lettre du 10 avril 1920 Mazaleyrat, secrétaire du comité (et siégeant au titre de l’UP), indique qu’il n’a en caisse que 5300 francs (dons, subventions diverses…) ; il s’inquiète du lieu d’implantation du monument vu que l’agrandissement du cimetière est momentanément ajourné.

 

          Dans sa séance du 12 juin 1920, le conseil ne vote qu'une subvention de 2000 francs, aussi est-il nécessaire de trouver un financement complémentaire si on ne veut pas se contenter d'un simple obélisque.

 

           Le comité va devoir choisir le type de monument non seulement en fonction du coût mais aussi de la symbolique : un soldat armé d’un fusil, partant à l’assaut, n’exalte pas les mêmes valeurs que la femme pleurant mari ou enfants. Dans une lettre de décembre 1920, Mazaleyrat expose au conseil municipal les difficultés rencontrées par le comité. Aux prix proposés généralement trop élevés, s’ajoutent les réticences de la population. Pour justifier un refus de participation, on recourt aux arguments traditionnels d'un pragmatisme spécieux : "les morts, c’est important mais il vaut mieux s’occuper des vivants" ou de l'opposition politique : "c'est le monument du nouveau conseil". Le comité regrette le désintérêt de la population, croit discerner un manque de faveur dans la classe ouvrière. Pourtant il a éliminé toutes les propositions d'un coût trop élevé, tous les projets qui s'écartent de la plus stricte neutralité religieuse ou politique. Il a choisi la représentation d'une femme en deuil qui symbolise la ville de Ruelle, tenant une couronne d'immortelles, monument d'une hauteur totale de 3,30m en pierre de Lavoux au dos duquel seront gravés les noms des morts pour la patrie. Le prix prévisionnel s'élève à 13400 francs et le comité estime que c'est le minimum pour réaliser un monument qui fasse honneur à la ville ; seulement, il ne dispose que de 9300 francs…Au conseil du 11 février 1921, même si certains contestent les affirmations tenues à l'encontre de la classe ouvrière, il est décidé de rajouter une somme maximum de 4000 francs au 2000 déjà prévus.

 

          En novembre 1921, on fait le point : le comité dispose de 10300 francs, et 5000 sont prévus au budget de 1921, mais le coût est passé à 15600 ; il faut donc voter une rallonge de 300 francs. Le projet a été élaboré par Peyronnet, statuaire à Paris [1]. Une convention est signée entre le maire et Peyronnet pour l'exécution complète du monument dans le cimetière, la fourniture de pierres, la sculpture, l'inscription des noms ; les travaux doivent être terminés le 1er septembre 1922. Mais l'acquisition de la parcelle nécessaire à l'agrandissement du cimetière ayant pris du retard, on décide de construire le monument au bout de l'allée parallèle à la route de Limoges, face au mur de clôture de manière qu'une fois l'agrandissement réalisé et le mur démoli, il soit placé au regard d'une grande allée. En effet, la partie de l'allée, tracée du monument jusqu'au mur de clôture à l'est, a une largeur supérieure à la partie qui va de la croix au monument. Cette sculpture laïque ne devait-elle pas être le pendant de la croix dressée dans la 1ère parcelle (celle de 1851) [2] ?

 

L'inauguration

 

          L'inauguration du monument est fixée au dimanche 29 octobre 1922 à 14 heures et une note de l'Inspecteur d'Académie précise que la présence des élèves à la cérémonie est tout indiquée. Le programme prévoit une allocution du comité, un discours du maire et un défilé des enfants des écoles avec le concours de la Musique de la Fonderie.

 

          Le Matin charentais du 1er et 2 novembre relate la cérémonie.

 

          À l'heure prévue, autour du monument sont regroupés le comité, le conseil municipal, les élèves des écoles et une nombreuse assistance. Le docteur Viroulaud, président du comité, après avoir retracé l'origine et le travail du comité, indique la pensée qui a guidé le choix du sujet : "Douleur et Souvenir". Il "souhaite que l'union sacrée persiste et ouvre le chemin à la voie d'une véritable fraternité" ; puis il remet officiellement le monument à la ville de Ruelle.

          À son tour, Jean Antoine, maire et conseiller général, "remercie la population d'être venue aussi nombreuse honorer les morts de la commune qui sont tombés pour que les horribles cataclysmes causés par la guerre de 1914-1918 ne se reproduisent plus". Il annonce qu'il s'efforcera, avec le parti politique auquel il appartient, de faire en sorte que ce soit la dernière des guerres.

          Conformément au programme on va faire défiler les enfants quand M. Héraud, délégué de l'Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) essaie de prendre la parole. Le maire tente de l'en empêcher, sans y réussir, aussi donne-t-il l'ordre à la Musique de jouer et fait-il défiler les élèves qui, sous la conduite de leurs maîtres, déposent des gerbes de fleurs naturelles sur le socle du monument pendant que M. Héraud poursuit la lecture de son discours. Le discours terminé, M. Héraud et les membres de l'ARAC défilent, drapeau rouge en tête, devant le monument.

          Et l'article se termine ainsi : "La foule défilant à son tour, se retire lentement regrettant profondément qu'un incident de cette nature se soit produit à un tel moment et en un tel lieu."

          La cérémonie a duré une heure environ.

 

          On peut comprendre le malaise de l'assistance (ou d'une partie de l'assistance) car l'incident se déroule dans le cimetière, au moment de l'inauguration d'un monument qui doit honorer le sacrifice de jeunes hommes, morts au nom de la patrie et sans distinction de couleur politique ; chaque camp voudrait-il les prendre en otages ? L'incident paraît surprenant, Ruelle étant la seule municipalité de Charente détenue par une majorité socialiste. Mais le maire peut-il laisser un groupe transgresser le programme annoncé et s'emparer de la parole alors qu'il existe d'autres associations d'anciens combattants qui ainsi en  seraient privées ? C'est l'époque de la mise en place de la 3ème internationale ouvrière, époque de division de la gauche avec la scission entre socialistes et communistes, la scission de la CGT. [3]

          Incident digne d'une cour de récréation par la forme, mais grave quant au fond !

 

[1] C'est lui qui a réalisé le moule du buste de Montalembert en 1905.

[2] Voir le schéma des agrandissements successifs du cimetière de la Croix Rompue.

[3] Un siècle plus tard peut-on affirmer qu'un changement fondamental soit intervenu ?

 

Carte postale ancienne
Carte postale ancienne

À droite du monument, apparaît l'allée qui conduit à la croix, bordée de caveaux dont l'un est surmonté d'une urne drapée.

 

 

Mais à l'usage il ressort que l'espace entourant le monument est trop exigu pour accueillir le public lors des cérémonies du souvenir, que les allées sont trop étroites pour les défilés ou pour amener les élèves en cortège.

Photo 2017
Photo 2017

L'espace libéré après le transfert a été en partie utilisé pour de nouvelles concessions ; il se trouve à l'intersection de l'allée venant de la grande croix, parallèle à l'avenue Foch, et des rangées 3Q et 3W. Au fond et au bord de l'allée, on aperçoit le tombeau surmonté d'une urne drapée visible sur la carte postale.


 

Vers un nouveau monument

 

Un monument spécifique à la Résistance ?

 

          Au lendemain de la guerre de 1939-1945, après la découverte de l'horreur des camps de concentration, se manifeste la volonté de rendre hommage aux martyrs de la Résistance et aux morts pour la France lors du second conflit mondial.

          En juin 1946, on souhaite mettre en place une commission d'érection d'un monument aux fusillés, déportés et morts pour la France et dès la fin de l'année est présenté un projet de l'architecte Fernand Poncelet pour 90000 francs. En février 1947, on décide que ce monument sera dressé place Auguste Rouyer ; quant au monument aux morts de 1914-18 dont on a prévu le transfert près de la nouvelle entrée du cimetière, on se demande si on ne le ramènera pas aussi place de la mairie, en mettant un monument à chaque bout.

          La commission du monument comprend : Mme Varache (Union des Femmes Françaises de Ruelle), Marcel conseiller municipal, Blancher (artisans), Weisgerber (PC), Rocher (curé), Allouche (Français Libres), Carmier (Ruelloise et Education Physique), Ferrand (déportés), Poitevin (SFIO).

En mai 1947, trois conseillers municipaux sont nommés au comité du monument aux morts de la Résistance (Dupré, Jay, Maignault) et on confirme son érection devant la mairie.

En juin 1947, afin de donner plus d'éclat à l'initiative et ménager des soutiens, Augustin Maurellet, maire de Ruelle et député, constitue un comité d'honneur pour l'érection du monument aux morts de la Résistance, avec le préfet, les élus nationaux [1] de la Charente, le colonel Chabanne [2], le commandant Bernard ; mais ce ne sont que des membres d'honneur.

            Le comité a élu un bureau qui, au 14 septembre 1947, se compose de :

- président, Marcel 2ème adjoint,

- secrétaire général, Poitevin professeur de Cours Complémentaire,

- trésorier, Blanchet artisan, avenue Wilson.

Il a aussi émis le vœu que le conseil municipal revienne sur son 1er projet de mise en place de deux monuments : celui du cimetière et celui aux martyrs de la Résistance, et souhaite l'édification d'un monument unique.

          Des élections ayant eu lieu en octobre 1947, le bureau est modifié le 20 novembre :

- président, Poitevin maire

- secrétaire général, Allouche ouvrier à la Fonderie

- trésorier, Blanchet artisan

          Mais déjà, en raison de l'inflation, le prix du monument a été actualisé, il est passé à 150000 francs, alors qu'on ne peut pas qualifier le projet de grandiose. D'autre part, est-il judicieux d'entretenir plusieurs monuments en hommage aux morts des différentes guerres ?

 

Le choix d'un monument unique

 

           Dès la fin de 1947, l'idée de ne construire qu'un seul monument ayant commencé à faire son chemin, l'architecte Poncelet a été chargé de proposer un plan. Le 22 janvier 1948, le conseil municipal décide d'ériger un seul monument pour honorer les morts des deux guerres et les martyrs de la Résistance, et en conséquence de transférer le monument du cimetière sur la place de la mairie, d'y ajouter les morts de 1939-1945 et de le transformer en s'inspirant des plans de l'architecte. Le coût prévisionnel s'élève à 324362 francs.

            Le 4 juillet 1948, le comité d'érection pour le monument de la Résistance se réunit : étaient présents Poitevin, maire, Marcel 2ème adjoint, Weisgerber, Touzain, Dogneton, Lagarde (STO), Allouche, Micoulaud, Lapeyre, Blancher (trésorier), Drouillard (médecin), Tardat (pharmacien). Après avoir adopté la situation financière présentée par le trésorier, il décide de verser la somme collectée à la caisse du receveur municipal (168.757 francs).

          Le 9 juillet le préfet donne l'autorisation de transférer et de modifier le monument érigé dans le cimetière en 1922.

          En collaboration avec Émile Peyronnet sculpteur et conservateur du musée d'Angoulême qui avait réalisé le premier monument, l'architecte Poncelet présente une nouvelle version de monument intégrant la statue de la femme en deuil devant un mur en pierre calcaire au dos duquel, sous deux médaillons en haut-relief symbolisant la Résistance et ses martyrs, seront gravés directement dans la pierre, les noms à honorer ; le mur est surmonté d'un portique : architrave reposant sur des colonnes doriques. Cette proposition est acceptée au début d'octobre 1948 ; le coût s'élève à 456435 francs. Le 8 octobre, un marché de gré à gré est passé avec André Gros [3] qui devra avoir terminé la réalisation le 30 avril 1949.

           Après un aménagement de la place aux abords du monument, il est prévu que Jean-Maurice Poitevin l'inaugure le 8 mai 1949 à 11 heures.

 

L'inauguration

 

          Pour préparer l'événement, le comité se réunit le 23 avril ; étaient présents : J-M Poitevin maire, Marcel 2ème adjoint, Weisgerber, Touzain (déportés), Dogneton (FTP-FFI), Allouche, Micoulaud (prisonniers de guerre), Lapeyre (principal du collège), Blancher, Rocher (curé), Peyrefiche (président de la Musique de la Fonderie), Vautour (parti socialiste), Mme Varache, Rivière, Frouard, Doucet, Bourdrez (anciens combattants), Colas. Si les différentes composantes du comité ont travaillé en assez bonne intelligence jusque-là, au moment de l'inauguration, les clivages nationaux resurgissent. Le maire a sollicité la présence d'un membre du gouvernement ou d'un représentant. Or dans le courant de 1947, le Parti Communiste est passé dans l'opposition ; il reproche au gouvernement socialiste de conduire une politique antisociale, de se rapprocher de l'Allemagne, d'avoir placé les forces armées sous l'autorité des Américains pour préparer une nouvelle guerre [4] ; les socialistes accusent les communistes de mener double jeu… Le PC refuse de participer à l'inauguration si le gouvernement est représenté ; même position de la part de la CGT ; quant à l'Union des Femmes Françaises de Ruelle, elle a une conférence départementale ce jour-là, à Angoulême, pour sauvegarder la paix.

 

[1] Trois députés et deux Conseillers de la République de la Charente. Dans la constitution de la IVème République le Conseil de la République a remplacé le Sénat.

[2] Maquis Bir-Hakeim.

[3] Il a presque terminé les travaux d'agrandissement du cimetière.

[4] Contre l'URSS et les démocraties populaires.

 

          Voici le déroulement de la cérémonie telle qu'elle est relatée par La Charente Libre du 9 mai, cérémonie boycottée par le PC et la CGT.

          Le dimanche 8 mai 1949, peu avant 11h, près du monument voilé d'un immense drapeau tricolore, le maire entouré de  Maurellet, député, de Marcilhacy et Pascaud, conseillers de la République, du Directeur départemental des Anciens Combattants, du Sous-Directeur de la Fonderie, de Poncelet, Peyronnet et autres personnes, attend l'arrivée des personnalités, le général Curnier inspecteur de l'infanterie représentant le Secrétaire d'État aux forces armées terrestres, le préfet, le colonel Seigue commandant la Subdivision. Les deux pelotons qui encadrent le monument rendent les honneurs pendant que la musique de la Fonderie joue la Marseillaise.

          La cérémonie proprement dite commence par une remise de décorations aux veuves de Jean Armand, de Gaston Chambord, de Maurice Lambert, et à M. Marcel. Puis le maire prononce un discours où il mentionne l'unanimité du conseil pour ériger un "monument qui confond dans le même respect les grands vainqueurs de 14-18, les héroïques défenseurs de 39-40 et les sublimes résistants de 40-45". Il fait l'éloge des morts dont le nom est gravé au dos du monument et quand il arrive à la période de la Résistance, la musique de la Fonderie joue "Le Chant des Partisans" dans un silence religieux. Pour terminer J-M Poitevin lit la pensée de Georges Duhamel inscrite sur le monument : "Je convie tout un monde de bonté à s'incliner vers vous, avec la même piété attentive, avec un cœur qui n'oublie rien".

          Puis pendant que la trompette sonne aux couleurs, le maire dévoile le monument.

Photo de l'inauguration aimablement communiquée par la mairie
Photo de l'inauguration aimablement communiquée par la mairie

Après les discours du préfet et du général Curnier, le maire reprend le micro pour annoncer qu'un coffret contenant de la terre de la Braconne recueillie par les anciens combattants à l'endroit où tombèrent les fusillés, va être déposé au pied du monument. Puis il fait signe aux porteurs de gerbes de venir fleurir les marches et après une dernière Marseillaise la foule est invitée à se disperser.

Photo de l'inauguration aimablement communiquée par la mairie
Photo de l'inauguration aimablement communiquée par la mairie

 

Les réfections du monument

 

          En 1981, quelques fissures et éclats dans la partie basse du monument, notamment au niveau du manteau de la statue, obligent à procéder à de menues réparations confiées à Joubert, sculpteur à Ruelle, pour un montant de 13300 francs.

          Mais sous l'effet de l'humidité et des gelées, la stèle et la statue continuent de se dégrader gravement. En novembre 1993, il faut donc envisager une restauration importante de cette partie-là si on en juge d'après la liste des travaux prévus :

- découpe de la statue par sciage afin de la désolidariser de la stèle de pierre tendre qui sera remplacée par une autre en granit de Bretagne

- repose de la statue après restauration

- à l'avant de la stèle, pose d'une plaque mémoire, en vis-à-vis de la statue

- à l'arrière, incrustation de 2 hauts reliefs identiques à ceux qui sont remplacés et pose de 3 plaques de granit avec inscription des noms des morts pour la France (2 plaques pour 1914-18, la plaque de droite pour 1939-45 et l'Afrique du Nord)

- reconsolidation des marches et jardinières au pied du monument.

Cette restauration, confiée à l'entreprise Charente Granit, s'élève à 149.100 francs HT.

          Il faut noter qu'on a ajouté à la liste dressée en 1949, les morts de la guerre d'Algérie.

 


Photos 2017

 

          En septembre 2009, c'est le portique qui nécessite quelques réparations et on y ajoute le dallage du parvis ce qui permet de déposer les gerbes sans salir ses chaussures, lors des cérémonies par temps pluvieux.

          Ce monument qui intègre une partie de celui de 1922, ne manque pas d'originalité ; il se démarque des nombreux obélisques reposant sur une base carrée entourée de piliers réunis par des chaînes, qui furent dressés au lendemain de la Première Guerre mondiale et sur lesquels on a seulement rajouté quelques noms après 1945. Il est vrai qu'à Ruelle, l'ancien monument ne pouvait pas recevoir tous les noms de ceux qui, dans les différentes phases du 2ème conflit, ont perdu la vie pour la France (ou à cause de sa politique).

 

          En conclusion, ce chapitre a voulu aborder le patrimoine lié à la mort, aux lieux de sépultures (édification de stèles, de tombeaux… de chapelles ou de monuments), sans le dissocier de son contexte historique, voire des cérémonies religieuses ou civiles qui entrent dans son environnement. L'étude architecturale des tombeaux est restée très superficielle pour éviter de décourager le lecteur et se limite à quelques grands traits incitant à l'observation et à la réflexion. Et c'est volontairement que les aspects économiques découlant des successions ont été laissés de côté.

 

 

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Sources

 

Archives départementales :

- archives notariales : Tallut 2E.3417, Rouyer 2E.4964, Gauvry 2E.4297, Thénevot 2E.4969 ;

- l'Église avant la Révolution : G 928-14, G 928-25, G 928-31 ;

- cadastre de 1824 ;

- série 2 OPROV 291 ;

- Le Matin Charentais, janvier 1912 (1Per 2/31) ; octobre, novembre 1922 (1Per 2/44) ;

- La Charente Libre, 9 mai 1949 (1Per 56/7).

 

Archives municipales :

- registres des délibérations du conseil municipal ;

- dossier Monument aux Morts ;

- registres paroissiaux ;

- arpentement de 1742-44 ;

- cadastre de 1824 ;

- cadastre de 1968 (mise à jour 1982) ;

- photos de l'inauguration du monument en 1949.

 

Bibliographie

Laetitia Copin, André Nogues : Ruelle ; Patrimoine de l'Angoumois 1997 ;

L'Hôtel de Ville d'Angoulême ; Collection Patrimoine de l'Angoumois 2012 (pour le monument des mobiles de 1870-71) ;

Abbé Gaudin : les fiefs de Ruelle (Mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente 1949-1950) ;

Marc Leproux : Du berceau à la tombe (Presses Universitaires de France, 1959) ;

Gabriel Delâge : Laboureurs d'Angoumois (Librairie B. Sépulchre, 1988) ;

Guy Hontarrède : La Charente dans la Seconde Guerre mondiale (Le Croît vif, 2004) ;

Guy Hontarrède : Ami, entends-tu ? (Université Populaire de Ruelle, 1987) ;

Dictionnaire biographique des Charentais (Le Croît vif, 2005) ;

Cahiers d'Histoire de Ruelle édités par l'Université Populaire de Ruelle.

 

Illustrations

Documents d'archives ;

Cartes postales anciennes ;

Photos communiquées par la Mairie ;

 

Photos (A et M Herbreteau).