Contribution à l'Histoire de RUELLE SUR TOUVRE
Auteur : Michel HERBRETEAU
Un travail de recherche historique dans les archives communales et départementales pour retrouver le passé avec près de 400 illustrations, dont un grand nombre de cartes postales anciennes collectées pour la plupart sur les "brocantes" de la région...
Nota : après le décès de Michel HERBRETEAU en mai 2019, bien d'autres documents restent sans doute à partager... Si vous avez des cartes postales ou des photos anciennes, vous pouvez les communiquer au webmaster qui les placera sur le site. Pour connaître les derniers ajouts, consulter la page des mises à jour.
Certains considèrent que le nom serait formé à partir du nom gaulois ritus ou ritos signifiant gué, associé à ialos (clairière) et on peut raisonnablement supposer qu'un gué permettait le passage avant qu'un pont soit construit.
Pour d'autres, l'origine serait à rapprocher du latin rota (roue) ou d'un dérivé (bas latin rotella), la roue pouvant caractériser un moulin sur la Touvre. En effet, le nom de Ruelle est mentionné dans le cartulaire de l'abbaye de Saint Amant de Boixe, à l'occasion d'une donation du comte d'Angoulême Guillaume IV, entre 988 et 1028 : "duos molindinos in villa quae dicitur Rodella".
En 1296 le nom est devenu Roella, puis Roelle en 1460, Rouelle en 1490. C'est à la fin du XVIIème siècle qu'on utilise presque exclusivement le nom de Ruelle. (La forme Rodelita, signalée comme une mauvaise lecture par Dauzat [1], pourrait désigner le village de Relette [2]).
[1] Dauzat : Dictionnaire étymologique des noms de lieux.
[2] Roulette fin XVIème - début XVIIème s.
Le village de Ruelle s'est développé autour de son église, siège d'un prieuré, dépendant de l'abbaye de Cluny. En 1280 une transaction entre l'évêque d'Angoulême et l'abbé de Cluny prévoit que le prieur de Ruelle payera, chaque année à l'évêque, 12 deniers de cens (redevance seigneuriale, cf. note) pour la donation d'une terre, faite au prieuré de Ruelle, cette terre étant mouvante d'un fief de l'évêché; mais l'existence de l'église Saint Médard de Rodella est déjà attestée en 1080.
La paroisse, comme le reste de la province, a subi les terribles conséquences de la Guerre de Cent ans : elle est ruinée et dépeuplée en raison de l'épidémie de peste et de sa position à la limite des possessions des rois de France et d'Angleterre (d'ailleurs, à la fin de cette guerre, une migration du nord vers le sud fait basculer les provinces d'Angoumois et de Saintonge, de la langue d'oc à la langue d'oïl). Vers 1450, les paroisses de Ruelle et de Magnac sont alors regroupées et jusqu'en 1671, Ruelle, desservie par un vicaire, n'est plus qu'une annexe officielle de la paroisse de Magnac.
La société féodale repose sur les liens entre le suzerain et le vassal, scellés par la concession d'un fief (une terre) ; la paroisse de Ruelle est le siège de quatre fiefs : le Maine Gagnaud, Ruelle, Fissac et Villement, chacun possédant son logis seigneurial. Mais certaines terres relèvent de seigneurs extérieurs, voire directement du roi (par exemple, la terre des Riffauds) depuis que François, comte d'Angoulême, a ceint en 1515, la couronne royale. Les habitants paient à perpétuité une rente seigneuriale [1] pour les terres qu'ils exploitent, même s'ils en sont propriétaires. Cette organisation de la société reste en vigueur jusqu'à la Révolution.
La création de la fonderie de canons par le marquis de Montalembert, en 1750, bouleverse la vie et l'économie de Ruelle : les activités liées à l'agriculture qui connaissent encore de beaux jours au XIXème siècle avec les foires aux boeufs, cèdent petit à petit du terrain. La fonderie s'agrandit, la population augmente (d'où la construction du groupe scolaire et de la mairie en 1887), le chemin de fer (1875) et le tramway (1900) desservent la commune qui prend un caractère de plus en plus urbain, et dans le quart de siècle qui précède 1900, on commence à voir siéger au conseil municipal des membres de la maîtrise de la fonderie à côté de propriétaires ou chefs d'entreprises, politiquement plus conservateurs. La gauche devient majoritaire au conseil dès 1906, conduit une politique plus anticléricale, plus sociale et plus favorable à l'école (création et développement de l'Ecole Primaire Supérieure de garçons, institution d'un cours commercial au cours complémentaire de filles…), se soucie des questions sanitaires (les bains douches en 1926), sans négliger pour autant la recherche d'un certain prestige (l'Hôtel des Postes inauguré en 1930)…
Dans la période 1960-1980, pour faire face à une augmentation importante de la population, la commune se dote de nouvelles infrastructures : cités HLM, groupe scolaire de Villement, cité scolaire de Puyguillen, salles de sport, centre culturel, ou modifie les structures existantes: groupe scolaire du Centre, extension de l'Hôtel de Ville…
Ainsi, tout en essayant de conserver son patrimoine architectural, la commune qui est devenue la quatrième ville du département, ne cesse d'évoluer et de se moderniser.
[1] Les rentes seigneuriales, directes et perpétuelles, à verser chaque année, peuvent être :
- en argent : le cens,
- en nature : une part de la récolte, appelée champart ou agrier, selon les régions ; agrier au dizain (dixain), au huitain… ou un nombre fixe de boisseaux ou mesures de froment… (1 boisseau=16 mesures).
Bibliographie
J-M Cassagne, S Seguin : Origine des noms de villes et villages de Charente, Ed. Bourdessoules.
Dauzat A., Rostaing Ch. : Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France.
Eric Vial : Les noms de villes et de villages ; Belin.
Abbé Nanglard : Pouillé historique du diocèse d'Angoulême.
Laetitia Copin, André Nogues : Patrimoine de l'Angoumois, RUELLE (1997).
Cahiers d'Histoire de Ruelle publiés par l'U.P., notamment "Naissance et développement de Ruelle" de Mme Parachou.
Sources
Archives départementales
G47 : fief de Ruelle.
G 927-3 : baillette d'Etienne Doucet à Jean Delavie
Archives municipales